samedi 21 novembre 2015

[Carnet de Route] Randonnée autour du plus vaste volcan d'Europe

Vous ne savez pas où partir lors de vos prochaines vacances ? Vous aimez la géologie ? Vous n'avez pas un rond ? Je vous propose d'aller faire le tour, à pied, du plus vaste volcan d'Europe. Il n'est ni Islandais, ni Italien, mais il s'agit bien d'un volcan Français, en métropole, dans le Massif Central. Sous son relief adouci par le temps où viennent paître paisiblement les vaches se cache un géant insoupçonné dont l'histoire violente a rythmé notre territoire pendant plusieurs millions d'années, le Cantal.

Le Puy Mary, sommet emblématique du Cantal. © Jérémie Mollier
Le Cantal est un stratovolcan, il s'est formé lors de plusieurs phases éruptives où se sont accumulées des coulées de laves, des coulées pyroclastiques (nuées ardentes), des téphras... Vous y croiserez donc pendant votre périple de nombreuses roches volcaniques et des structures aux formes variées.

De cet immense volcan, qui devait s'élever à plus de 3000 mètres de hauteur, il reste de nombreux sommets (Plomb du Cantal, Puy Griou, Puy Mary) vestiges du cratère maintenant érodé d'où partent vallées et coulées de laves sur une superficie de plus de 2500 km². Le GR400 vous propose d'en faire le tour en 6 à 8 jours de marche. Vous pouvez évidemment opter pour la voiture et vous rendre ensuite à pied, aux différents sites d'intérêts.

Voici donc un carnet de route géologique  de ce circuit :

Carnet de Route

Le départ s’effectue à Murat (Gare de train reliant les villes d'Aurillac et Clermont Ferrand). Dès votre arrivée, vous pourrez observer une première curiosité, le rocher de Bonnevie, surplombant la ville et constitué d'Orgues, figure de refroidissement d'une coulée de lave.

Orgues du rocher de Bonnevie à Murat - © Jérémie Mollier
Il s'agit ici des plus fines d'Europe. Ces orgues de basanites se sont formées conjointement avec le rocher de Bredons situé en face, il y a environ 4 millions d'années. Il s'agit d'une des plus récentes manifestation de l'activité volcanique du volcan, lors de la phase supracantalienne, ou le stratovolcan a été en partie recouvert (d'où le supra) par des immenses épanchements de basaltes (planèze de St Flour, planèze de Salers...). Cette phase s'oppose aux basaltes infracantaliens, libérés entre 13 et 8.7 millions d'années et quasiment invisible car recouverts par les émissions volcaniques plus récentes. Vous pourrez en observer quelques traces le long de la N122 en quittant Murat vers Laveissière.

Rocher de Bredons, piton de basanite et son église construite en pierres de taille de trachyandésite.© Jérémie Mollier
 Le GR400 quant à lui s'élève rapidement le long de la vallée de la Cère en direction de la partie centrale du volcan que vous atteindrez au niveau du col de Rombière. De là, s'ouvre à vous un paysage montagneux (malgré l'altitude modeste du massif) composé d'une ligne de crête déchiquetée, reste de l'ancien cratère érodé par les glaciers qui y ont entaillés de profondes vallées (la vallée de la Jordanne s'étale devant vous). La dureté du paysage, qui contraste avec les pentes douces traversées précédemment traduit de la violence des événements à l'origine de sa formation. Le Peyre Arse (1806 m) et le Puy Mary (1783 m) que vous aurez à longer et gravir sont des témoins de la phase explosive du Cantal (entre 8,5 et 6,5 Millions d'années). Le Peyre Arse est constitué de trachyandésite (lave relativement riche en silice et donc visqueuse) reposant sur des lahars (coulées de boues liées à l'activité volcanique, composées d'eau, de cendre, de téphras...). Le Puy Mary est un dôme de trachyte, lave trop visqueuse pour s'écouler et qui s'accumule formant un bouchon au dessus de la cheminée.

Du Puy Mary, vous aurez un vaste panorama sur cette zone centrale composée essentiellement de trachyandésite et de trachyte, à l’exception de la zone autour du Puy Griou (Phonolithe) érigé entre 7 et 6,5 millions d'années et le Plomb du Cantal, surmontée par un ancien lac de lave extrudé, seul témoin dans cette zone de l'activité supracantalienne tardive.

Vue du Puy Mary, la brêche de Roland (trachyandésite) au premier plan, le Puy Griou (phonolite) au centre et le Plomb du Cantal (massif trachyandésite surmonté d'un paléolac de basanite) en arrière plan. © Jérémie Mollier
La suite du GR 400 rayonne autour du Puy Mary et traverse de nombreuses vallées glaciaires, caractérisées par leur forme en "U", des vallées profondes au fond large et au relief doux, qui s'oppose aux vallée en "V", formée par les rivières, beaucoup plus étroites.

La vallée de la Maronne, creusé par un glacier (avec au fond, le buron du Violental) qui sépare les planèzes de Salers et du Puy Violent qui devaient n'en faire qu'un à l'origine. © Jérémie Mollier

C'est à partir de la vallée de la Maronne (en réalité avant cela, mais la tête dans les nuages, littéralement, je n'ai pas vu grand chose les premiers jours) que le paysage à pris une apparence très différente marquée non plus par le caractère explosif de la région centrale, mais par des épanchements de basaltes liés à la dernière période effusive. Ainsi on traverse de hauts plateaux de basaltes (appelés planèzes) au relief doux surmontés à leur extrémité par un cône d'où la lave s'écoulait jadis.
   
Puy Violent, cône de basalte, l'un des point culminant du planèze du même nom. © Jérémie Mollier

La fin du GR400 vous amène à gravir le Plomb du Cantal, plus haut sommet du volcan, composé d'un empilement de coulée de trachyandésite où s'intercale les restes de nuées ardentes sur lequel repose un culot de basanite récent (environ 2 Millions d'années). Du sommet, un magnifique panorama vous permet d'apercevoir une part importante de votre périple de ces derniers jours, avec au nord, la zone centrale accidentée et à l'ouest le relief plus doux des planèzes. Il ne vous restera plus qu'alors à retourner vers Murat en empruntant une longue descente où vous pourrez retrouver un peu de réconfort autour de la fameuse truffade auvergnate.

Derniers hectomètres de montée vers le Plomb du Cantal. © Jérémie Mollier

 En résumé :
  
Le Cantal est un immense stratovolcan situé au sud du Massif Central qui s'est édifié en 4 phases :

1 - Basaltes infracantaliens - 13 à 8,5 Millions d'années
Coulées de lave basaltique, peu visible car recouvertes pas les matériaux volcaniques plus récents. (Orgues basaltiques de St-Flour, quelques traces au fond des vallées dans la partie centrale du volcan)

2 - Première période explosive - 8,5 à 7 Millions d'années
Coulées de trachyandésite, brêches et lahar. Présent dans la partie centrale du Cantal (Peyre Arse, Brêche de Roland...)
Cette période correspond à l’activité la plus intense et à l'apogée du volcan (atteignant sans doute plus de 3000 mètres de hauteur).

3 - Seconde période explosive - 7 à 6,5 Millions d'années
Intrusions d'aiguilles phonolithiques, lave très visqueuse, pâteuse qui ne s'écoule pas et qui sort verticalement au dessus du cratère. (Visible autour du Puy Griou et du Roc d’Hozières)

4 - Basaltes supracantaliens - 7 à 2 Millions d'années
Important épanchement de coulées de basaltes et de basanites

Le relief actuel du Cantal s'explique également par deux événements  marquants :
- L'effondrement du stratovolcan vers 7 millions d'années. La hauteur conséquente du volcan et les pentes raides du à la difficulté de la trachyandésite, lave visqueuse, à s'écouler ont provoqué d'importantes avalanches de débris qui ont réduits considérablement la taille du volcan (effondrement visible notamment au Chaos de Casteltinet près de Thiezac)
- Le développement des glaciers lors des différentes phases glaciaires du quaternaire a tracé de nombreuses vallées qui rayonnent à partir de la zone centrale du volcan.

Le tout repose sur le socle hercynien, ancienne immense chaîne de montagne formée entre 400 et 250 millions d'années, dont on observe encore les traces en France dans les massifs Armoricain, Central et les Ardennes.


Protusion phonolithique du Roc d'Hozière (à droite). © Jérémie Mollier

Le parcours :

Suite à une météo difficile les premiers jours et un train en retard de 3 heures le premier jour, je n'ai pas suivi le GR400 dans son intégralité, repiquant vers le Puy Mary - que je n'avais pas pu voir le second jour - plutôt que de faire le tour de la vallée de la Jordane. Ce choix m'a également permis d'aller observer le Puy Griou qui n'est pas sur le tracé d'origine.

J1 - Murat - Peyre Gary
9 km - Dénivelé +550m - 3h10
J2 - Peyre Gary - Claux
22.5 km  - Dénivelé +500m -1000m - 7h10
J3 - Claux - Impranau
20 km - Dénivelé +1000m -700m - 6h20
J4 - Impranau - Au dessus du Bois Noir
16.5 km - Dénivelé +800m -800m - 5h50
J5 - Bois Noir - Thiezac 
27 km  - Dénivelé +900m -1450m - 9h00
J6 - Thiezac - Buron de Raveyrol
21 km - Dénivelé +1150m -650m - 6h30
J7 - Buron de Raveyrol - Murat 
14 km - Dénivelé +100m -400m - 4h00
En attendant un article complémentaire plus complet sur l'histoire du Cantal (d'ici six bon mois je devrais avoir fini), n’hésitez pas à consulter mes sources pour aller plus loin.

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Sources :
- Topo Guide IGN : Volcan du Cantal.
- Observation de terrain, avant tout, ça aide.
- Carte géologique de Murat.
- Notice explicative de la carte géologique de Murat : http://ficheinfoterre.brgm.fr/Notices/0788N.pdf

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