samedi 21 novembre 2015

[Carnet de Route] Randonnée autour du plus vaste volcan d'Europe

Vous ne savez pas où partir lors de vos prochaines vacances ? Vous aimez la géologie ? Vous n'avez pas un rond ? Je vous propose d'aller faire le tour, à pied, du plus vaste volcan d'Europe. Il n'est ni Islandais, ni Italien, mais il s'agit bien d'un volcan Français, en métropole, dans le Massif Central. Sous son relief adouci par le temps où viennent paître paisiblement les vaches se cache un géant insoupçonné dont l'histoire violente a rythmé notre territoire pendant plusieurs millions d'années, le Cantal.

Le Puy Mary, sommet emblématique du Cantal. © Jérémie Mollier
Le Cantal est un stratovolcan, il s'est formé lors de plusieurs phases éruptives où se sont accumulées des coulées de laves, des coulées pyroclastiques (nuées ardentes), des téphras... Vous y croiserez donc pendant votre périple de nombreuses roches volcaniques et des structures aux formes variées.

De cet immense volcan, qui devait s'élever à plus de 3000 mètres de hauteur, il reste de nombreux sommets (Plomb du Cantal, Puy Griou, Puy Mary) vestiges du cratère maintenant érodé d'où partent vallées et coulées de laves sur une superficie de plus de 2500 km². Le GR400 vous propose d'en faire le tour en 6 à 8 jours de marche. Vous pouvez évidemment opter pour la voiture et vous rendre ensuite à pied, aux différents sites d'intérêts.

Voici donc un carnet de route géologique  de ce circuit :

Carnet de Route

Le départ s’effectue à Murat (Gare de train reliant les villes d'Aurillac et Clermont Ferrand). Dès votre arrivée, vous pourrez observer une première curiosité, le rocher de Bonnevie, surplombant la ville et constitué d'Orgues, figure de refroidissement d'une coulée de lave.

Orgues du rocher de Bonnevie à Murat - © Jérémie Mollier
Il s'agit ici des plus fines d'Europe. Ces orgues de basanites se sont formées conjointement avec le rocher de Bredons situé en face, il y a environ 4 millions d'années. Il s'agit d'une des plus récentes manifestation de l'activité volcanique du volcan, lors de la phase supracantalienne, ou le stratovolcan a été en partie recouvert (d'où le supra) par des immenses épanchements de basaltes (planèze de St Flour, planèze de Salers...). Cette phase s'oppose aux basaltes infracantaliens, libérés entre 13 et 8.7 millions d'années et quasiment invisible car recouverts par les émissions volcaniques plus récentes. Vous pourrez en observer quelques traces le long de la N122 en quittant Murat vers Laveissière.

Rocher de Bredons, piton de basanite et son église construite en pierres de taille de trachyandésite.© Jérémie Mollier
 Le GR400 quant à lui s'élève rapidement le long de la vallée de la Cère en direction de la partie centrale du volcan que vous atteindrez au niveau du col de Rombière. De là, s'ouvre à vous un paysage montagneux (malgré l'altitude modeste du massif) composé d'une ligne de crête déchiquetée, reste de l'ancien cratère érodé par les glaciers qui y ont entaillés de profondes vallées (la vallée de la Jordanne s'étale devant vous). La dureté du paysage, qui contraste avec les pentes douces traversées précédemment traduit de la violence des événements à l'origine de sa formation. Le Peyre Arse (1806 m) et le Puy Mary (1783 m) que vous aurez à longer et gravir sont des témoins de la phase explosive du Cantal (entre 8,5 et 6,5 Millions d'années). Le Peyre Arse est constitué de trachyandésite (lave relativement riche en silice et donc visqueuse) reposant sur des lahars (coulées de boues liées à l'activité volcanique, composées d'eau, de cendre, de téphras...). Le Puy Mary est un dôme de trachyte, lave trop visqueuse pour s'écouler et qui s'accumule formant un bouchon au dessus de la cheminée.

Du Puy Mary, vous aurez un vaste panorama sur cette zone centrale composée essentiellement de trachyandésite et de trachyte, à l’exception de la zone autour du Puy Griou (Phonolithe) érigé entre 7 et 6,5 millions d'années et le Plomb du Cantal, surmontée par un ancien lac de lave extrudé, seul témoin dans cette zone de l'activité supracantalienne tardive.

Vue du Puy Mary, la brêche de Roland (trachyandésite) au premier plan, le Puy Griou (phonolite) au centre et le Plomb du Cantal (massif trachyandésite surmonté d'un paléolac de basanite) en arrière plan. © Jérémie Mollier
La suite du GR 400 rayonne autour du Puy Mary et traverse de nombreuses vallées glaciaires, caractérisées par leur forme en "U", des vallées profondes au fond large et au relief doux, qui s'oppose aux vallée en "V", formée par les rivières, beaucoup plus étroites.

La vallée de la Maronne, creusé par un glacier (avec au fond, le buron du Violental) qui sépare les planèzes de Salers et du Puy Violent qui devaient n'en faire qu'un à l'origine. © Jérémie Mollier

C'est à partir de la vallée de la Maronne (en réalité avant cela, mais la tête dans les nuages, littéralement, je n'ai pas vu grand chose les premiers jours) que le paysage à pris une apparence très différente marquée non plus par le caractère explosif de la région centrale, mais par des épanchements de basaltes liés à la dernière période effusive. Ainsi on traverse de hauts plateaux de basaltes (appelés planèzes) au relief doux surmontés à leur extrémité par un cône d'où la lave s'écoulait jadis.
   
Puy Violent, cône de basalte, l'un des point culminant du planèze du même nom. © Jérémie Mollier

La fin du GR400 vous amène à gravir le Plomb du Cantal, plus haut sommet du volcan, composé d'un empilement de coulée de trachyandésite où s'intercale les restes de nuées ardentes sur lequel repose un culot de basanite récent (environ 2 Millions d'années). Du sommet, un magnifique panorama vous permet d'apercevoir une part importante de votre périple de ces derniers jours, avec au nord, la zone centrale accidentée et à l'ouest le relief plus doux des planèzes. Il ne vous restera plus qu'alors à retourner vers Murat en empruntant une longue descente où vous pourrez retrouver un peu de réconfort autour de la fameuse truffade auvergnate.

Derniers hectomètres de montée vers le Plomb du Cantal. © Jérémie Mollier

 En résumé :
  
Le Cantal est un immense stratovolcan situé au sud du Massif Central qui s'est édifié en 4 phases :

1 - Basaltes infracantaliens - 13 à 8,5 Millions d'années
Coulées de lave basaltique, peu visible car recouvertes pas les matériaux volcaniques plus récents. (Orgues basaltiques de St-Flour, quelques traces au fond des vallées dans la partie centrale du volcan)

2 - Première période explosive - 8,5 à 7 Millions d'années
Coulées de trachyandésite, brêches et lahar. Présent dans la partie centrale du Cantal (Peyre Arse, Brêche de Roland...)
Cette période correspond à l’activité la plus intense et à l'apogée du volcan (atteignant sans doute plus de 3000 mètres de hauteur).

3 - Seconde période explosive - 7 à 6,5 Millions d'années
Intrusions d'aiguilles phonolithiques, lave très visqueuse, pâteuse qui ne s'écoule pas et qui sort verticalement au dessus du cratère. (Visible autour du Puy Griou et du Roc d’Hozières)

4 - Basaltes supracantaliens - 7 à 2 Millions d'années
Important épanchement de coulées de basaltes et de basanites

Le relief actuel du Cantal s'explique également par deux événements  marquants :
- L'effondrement du stratovolcan vers 7 millions d'années. La hauteur conséquente du volcan et les pentes raides du à la difficulté de la trachyandésite, lave visqueuse, à s'écouler ont provoqué d'importantes avalanches de débris qui ont réduits considérablement la taille du volcan (effondrement visible notamment au Chaos de Casteltinet près de Thiezac)
- Le développement des glaciers lors des différentes phases glaciaires du quaternaire a tracé de nombreuses vallées qui rayonnent à partir de la zone centrale du volcan.

Le tout repose sur le socle hercynien, ancienne immense chaîne de montagne formée entre 400 et 250 millions d'années, dont on observe encore les traces en France dans les massifs Armoricain, Central et les Ardennes.


Protusion phonolithique du Roc d'Hozière (à droite). © Jérémie Mollier

Le parcours :

Suite à une météo difficile les premiers jours et un train en retard de 3 heures le premier jour, je n'ai pas suivi le GR400 dans son intégralité, repiquant vers le Puy Mary - que je n'avais pas pu voir le second jour - plutôt que de faire le tour de la vallée de la Jordane. Ce choix m'a également permis d'aller observer le Puy Griou qui n'est pas sur le tracé d'origine.

J1 - Murat - Peyre Gary
9 km - Dénivelé +550m - 3h10
J2 - Peyre Gary - Claux
22.5 km  - Dénivelé +500m -1000m - 7h10
J3 - Claux - Impranau
20 km - Dénivelé +1000m -700m - 6h20
J4 - Impranau - Au dessus du Bois Noir
16.5 km - Dénivelé +800m -800m - 5h50
J5 - Bois Noir - Thiezac 
27 km  - Dénivelé +900m -1450m - 9h00
J6 - Thiezac - Buron de Raveyrol
21 km - Dénivelé +1150m -650m - 6h30
J7 - Buron de Raveyrol - Murat 
14 km - Dénivelé +100m -400m - 4h00
En attendant un article complémentaire plus complet sur l'histoire du Cantal (d'ici six bon mois je devrais avoir fini), n’hésitez pas à consulter mes sources pour aller plus loin.

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Sources :
- Topo Guide IGN : Volcan du Cantal.
- Observation de terrain, avant tout, ça aide.
- Carte géologique de Murat.
- Notice explicative de la carte géologique de Murat : http://ficheinfoterre.brgm.fr/Notices/0788N.pdf

vendredi 3 avril 2015

[Records de la nature dont tout le monde se fiche] La plus haute montagne... par rapport au centre de la Terre.

On démarre cette série de courts articles qui vous présentent des records parfaitement inutiles... mais en réalité pas tant que ça, parce que c'est prétexte à réfléchir à des questions qu'on se se pose pas forcement mais qui sont pourtant très importantes.

On commence donc avec cette question absolument essentielle :

Mais quel est donc le point sur Terre le plus éloigné de son centre ?

Face Nord de l'Everest by Luca Galuzzi (Lucag)
C'est évident, c'est l'Everest et ses 8 848 m auquel on ajoute le rayon de la Terre. Hop, question suivante... 


Non mais attendez, c'est quoi le rayon terrestre ? En moyenne 6 371 km. En moyenne ? Ça signifie que le rayon terrestre n'est pas le même en tout point du globe ? 

Et bien non, la Terre n'étant pas une sphère parfaite, mais une ellipse aplatie aux pôles. Ainsi le rayon terrestre est 41 km plus importants à l'équateur qu'aux pôles, et 21 km de plus par rapport à la latitude de l'Everest. Vous le voyez venir mon record absurde ? Le Chimborazo est un volcan situé en Equateur (le pays) et est donc proche de l'équateur (le parallèle). Il est le plus haut sommet du pays et s'élève à 6268 m auquel on ajoute les 6375 km du rayon de la Terre à cette latitude, et on obtient 6384 km, contre environ 6367 km pour le l'Everest.

 Chimborazo par Bernard Gagnon — Travail personnel.

Le Chimborazo est donc le plus haut sommet du monde, désapprenez tout ce que vous avez entendu... Hmm, je ne vous sens pas convaincu. Le rayon de la Terre est 21 km plus important à l'équateur que dans l'Himalaya, or l'Everest mesure 8,8 km... La plage de Salinas en Equateur est donc un sommet plus élevé que l'Everest. Alors pourquoi certains se tuent à gravir cette montagne alors que vous pouvez monter plus haut en sirotant un cocktail les doigts de pieds en éventail ? Et en plus il y fait meilleur. Je vous avais prévenu, ça n'a pas de sens ce record...

Une aventurière à l'assaut d'un haut sommet, la plage de Salinas !

Donc, remettons notre Everest sur son piédestal. Il n'est pas le plus éloigné du centre de la Terre, mais bien le plus haut, avec ses 8 848 m. Mais si ce n'est pas par rapport au centre de la Terre, c'est par rapport à quoi ?

Sa base ? Problème, lorsque les plaques Indienne et Eurasienne se sont entrechoquées, la région s'est surélevée, et l'Everest est entouré de hauts sommets et de plateaux d'altitudes. Vous pourrez l'attaquer par n'importe quel flanc, jamais vous ne vous élèverez de 8 848 m. C'est le même principe qui offre aux Alpes de Lyngen (dont les hauts sommets compris entre 1600 et un peu plus de 1800m baignent directement dans les Fjords) un plus fort dénivelé que le Carlit (2921 m) dans les Pyrénées Orientales, car encadré par le Capcir et la Cerdagne, hauts plateaux pyrénéens. A ce jeu là, le vainqueur par K.O est le Mauna Kea à Hawaï qui de sa base, sous l'océan à son sommet à 4207 m, mesure 10 200 m. On obtient déjà un record qui a plus de sens, puisqu'on mesure la taille d'une unité géologique précise, ici un volcan. Plus fort encore, le Mauna Loa, toujours à Hawaï à produit tellement de lave et est devenu tellement lourd qu'il s'est enfoncé dans le plancher océanique, et est composé d'un entassement de 17 km de lave ! De là à en faire la plus grande montagne, évitons, car ça m'obligerait à prendre en compte les racines des chaînes de montagnes, et l'Himalaya reprendrait largement son leadership.

Schéma de comparaison entre Olympus Mons (planète Mars), la plus haute montagne du système solaire, et les plus hautes montagnes terrestres : le Mauna Kea (île de Hawaii) et l'Everest. © Sémhur / Wikimedia Commons, via Wikimedia Commons

Et l'Everest dans tout ça ? Si on ne mesure pas depuis sa base, on le fait depuis le niveau de la mer (oui, tout ça pour ça, et en plus vous le saviez déjà...). Sauf que (oui, encore un problème)... le niveau de la mer n'est pas constant, il varie au cours du temps (fontes des glaces, marées, tectonique des plaques) et n'est pas identique en tout point du globe. Et là ça se complique, puisque je vais devoir parler de géodésie (je m’excuse d'avance).

Donc si on n'oublie les marées, les vents et les courants, la surface des océans est une surface équipotentielle du champ de gravité terrestre (><). La surface des océans est perpendiculaire au champ gravitationnel qui pointe vers le centre de la Terre (la même force qui maintient vos pieds au sol et vous empêche de vous envoler). Mais si une montagne sous marine d'une masse conséquente se situe sur le fond de l'océan, elle provoque une attraction. Le champ gravitationnel est dévié vers cette montagne et la surface de l'eau perpendiculaire à ce champ sera donc bombée et s’élèvera un peu. Si c'est un peu, c'est négligeable ? Pas tant que ça, les eaux au large de l’Ecosse sont près de 200 mètres plus élevés que celle près de l'Inde.

1 - Montagne sous marine dense, anomalie positive de pesanteur.
2 - Zone moins dense (exemple : gisement de pétrole), anomalie négative de pesanteur.
Une zone plus dense dévie le champ de pesanteur vers lui, et la surface de l'eau perpendiculaire à ce champ est donc bombé vers le haut, alors qu'une zone moins dense dévie le champ de pesanteur vers des zones plus denses autour d'elle, bombant l'eau vers le bas. Oui, intuitivement, on pourrait penser l'inverse. D'après J.Mollier, 2015.

Et c'est la que la notion de géoïde intervient. Un géoïde est une surface où en tout point on mesure la même pesanteur. La surface des océans est donc un géoïde, qui prolongé au niveau des continents nous donne un géoïde de référence qui correspond à l'altitude 0. Ce géoïde a à une forme ellipsoïdale aplati au pôle et de forme irrégulière (des variations d'un peu moins de 200 mètres par rapport à l'ellipsoïde de référence). Et l'Everest s'élève à 8 848 m au dessus de ce géoïde, ce qui en fait le plus haut sommet du monde. Ouf, on y est arrivé ! Et oui, grâce à moi, vous savez que l'Everest est la plus haute montagne au monde ! Heureusement que je suis là...

Surface de la Terre selon le Géoïde, les variations ne sont pas à l’échelle (du tout) pour être visible.
Droits réservés - © 2010 Wolfgang Köhler, ICGEM (menu "Gravity Visualization")



L'essentiel :
*Le Chimborazo est le sommet le plus éloigné du centre de la Terre (6384km).
*Le Mauna Kea est la plus grande montagne au monde (10km).
*Le Mauna Loa est le plus important empilement de lave (17km).
*L'Everest reste bien le plus haut sommet du monde (8 848 m au dessus du géoïde).

Et l'Olympus Mons (21 229 m) sur Mars rigole devant ses fourmis.




N'hésitez pas à me proposer d'autres idées d'articles. J'ai déjà en tête des questions comme : Quelle est l'espèce qui possède la plus importante biomasse sur Terre ? Quel est le plus important réservoir d'eau (et pas que liquide) sur Terre ? Quel est l'arbre le plus haut jamais mesuré (et pourquoi) ?

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Sources :
http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/geodesie-gravimetrie.xml
http://www.aviso.altimetry.fr/en/home.html
http://tem.revues.org/1783
Et un peu wiki pour les altitudes et les images...

dimanche 22 mars 2015

[Comprendre les paysages] Les Alpes de Lyngen


Les Alpes de Lyngen vues depuis la route 91, By Ximonic, Simo Räsänen (Own work)
Les Alpes de Lyngen n'ont rien à voir avec nos Alpes Françaises, elles sont situées en Norvège, à l'extrémité nord de la chaîne de montagne scandinave, appelée Alpes Scandinaves ou Scandes.
Malgré une altitude relativement modeste (1833 m pour son plus haut sommet, le Jiehkkevárri), elle possède un relief très prononcé, aux dénivelés importants, les racines du massif baignant dans l'eau. Sa position très au nord (300 km au delà du cercle polaire) lui permet d'être recouverte même en été par la neige éternelle, parfois dès 500 mètres d'altitude et par des glaciers, renforçant le côté spectaculaire de ces Alpes.
Enfin, situées sur une péninsule, entourée et à moitié coupée par des Fjords, le contraste entre l'océan et la montagne est saisissant.
Cette grande variété de paysages s'explique par l'origine et l'histoire mouvementée de sa formation, commencée il y a plusieurs milliards d'années.
Carte géologique de la Scandinavie et position des Alpes de Lyngen, d'après Eric Gaba, modifié par Jérémie Mollier






























I - Formation de la croute continentale.

Les roches à l'origine de la Scandinavie sont très anciennes. Une partie de cette croute continentale s'est formée à l'Archéen (avant 2,5 milliards d'années) lorsque la température de la Terre était plus élevée qu'actuellement (Voir figure 1). Après 2,5 Milliards d'années, au Protérozoïque (2,5 - 0,54 milliards d'années), les mouvements tectoniques ont contribué à l'apport de nouvelles roches, agrandissant ce bouclier (ou craton) scandinave (un bouclier est une région géologique stable formée de roches datant du Précambrien, âgées de plus de 540 Millions d'années).

Figure 1 : A l'Archéen, le géotherme (courbe de la température en fonction de la profondeur) étant supérieur à aujourd'hui, le basalte contenu dans la croute océanique en subduction (croute plongeant dans le manteau terrestre par les forces tectoniques) fondait en profondeur, formant un magma à l'origine des croutes continentales primitives. Depuis 2.5 Milliards d'années, la Terre se refroidissant, le basalte se déshydrate avant que la température lui permette de fondre. L'eau remonte et hydrate le manteau au dessus facilitant sa fusion partielle. C'est ce magma mantellique qui est à l'origine de la croute continentale plus récente.
Ces divers mouvements furent à l'origine d'un super continent, la Columbia (1.8-1.5 Milliards d'années), puis sa séparation, notamment avec la formation d'un continent plus petit, la Baltica, correspondant à peu près à la Scandinavie actuelle (+Pays Baltes et mer Baltique).

II - L’orogenèse calédonienne.

Figure 2 : Structure de la chaine Calédonienne par Woudloper
Plus tard, au paléozoïque (-541 à -252,2 millions d'années), la Baltica, la Laurentia et le bloc Avalon vont se percuter (entre 505 et 395 millions d'années selon les zones), formant une immense chaine de montagne (chaîne Calédonienne) partant des Svalbard (îles au nord des Alpes Lyngen) jusqu'aux Amériques (les Appalaches) en traversant la Norvège et l’Écosse (dont le nom latin, Caledonia est à l'origine du nom de ses montagnes), s'élevant sans doute à plus de 8000 mètres. Cette chaine de montagne sera au centre du supercontinent de la Pangée, qui subsistera une grande partie du paléozoïque. Les forces tectoniques colossales à l'origine de la formation de la chaîne (=orogenèse) ouvriront également d'importantes failles pouvant de remplir d'eau (comme pour Loch Ness en Écosse).
Par la suite des centaines de millions d'années d'érosion vont réduire le relief à une pénéplaine ("presque" plaine, grande zone fortement érodé aux reliefs très doux).

III - L’ouverture de l'océan Atlantique.
Figure 3 :Position des continents à l’Éocène (50 Millions d'années)

Nous voilà rendu à environ 60 millions d'années. L'ouverture de l'Océan atlantique a commencé depuis plus de 100 millions d'années et le rift à l'origine sa formation remonte au nord sectionnant la chaîne calédonienne. L'intense activité volcanique liée au rift va surélever nos Scandes dont les Alpes Lyngen (un peu comme ceux qu'on observe sur les hauts plateaux est-africains actuellement).






IV - Glaciations successives

Figure 4 : Propagation de la calotte glaciaire lors du dernier
maximum glaciaire (Würmien supérieur -18000 ans)

Le quaternaire est marquée par une série de glaciations, où la calotte glaciaire partant du pôle nord s'étant sur une grande part de l'Europe. La calotte enfonce les Scandes et érode les hauts sommets, réduisant les Alpes de Lyngen à moins de 2000 mètres d'altitudes (une altitude sans doute encore supérieur à 4000 mètres avant l'érosion du quaternaire). Les glaciers en progressant creusent de véritables sillons à l'origine de vallées glaciaires et de Fjords au niveau de la mer. En se retirant, les glaciers ont laissés ces paysages déchiquetés caractéristiques des Alpes de Lyngen, racine d'une très vielle et très haute chaîne calédonienne.

Quelques photos pour terminer ?

Le village de Lyngseidet

Aurore Boréale depuis Tromsø

Panorama des Alpes Lyngen par Harald Groven

samedi 21 mars 2015

[News] Fin de l'éruption du Bárðabunga

Je vous avais longuement parlé de cette éruption dans un précédent billet :


Elle s'est achevée en fin de mois dernier, le 27 Février, il est donc temps d'en faire un rapide bilan.

Lave refroidie dans le cratère Baugur, le 4 mars 2015

L'éruption a démarré le 29 aout 2014. La lave s'est écoulée sans interruption pendant 181 jours (un peu plus longtemps pour les émissions de gaz) et a produit une quantité de 1.4 Kmrecouvrant une surface de 85 km², ce qui en fait la plus grosse éruption volcanique en Islande depuis plus de 200 ans et celle du Laki, évoquée également ici.
Heureusement, le débit modeste de l'éruption, sa localisation au sud du glacier, évitant une éruption de type phréato-magmatique potentiellement plus dangereuse, n'a eu que peu de conséquences que ceux soit en terme humain (aucun mort à déplorer), économique (zone désertique, pas de nuages paralysant le trafic aérien européen), ni pollution (au plus fort, une qualité de l'air affectée essentiellement dans les villes de l'est de l'Islande, mais dans des proportions raisonnables).

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Sources :
http://icelandreview.com/news/2015/03/02/holuhraun-eruption-numbers
http://en.vedur.is/earthquakes-and-volcanism/articles/nr/2947

jeudi 19 mars 2015

[Pensée] Amour et évolution.

Je réagis rapidement à une étude récente qui a fait couler beaucoup d'encre et qui placerait l'amour comme un mécanisme mis en place par l'évolution permettant à un couple de rester uni le temps du développement du bébé, jusqu'à ce qu'il puisse se passer de la protection du père, rendant l'amour utile et éphémère, loin de toute considération romantique. Le tout contrôlé par des facteurs génétiques qui pousseraient à l'infidélité, pour multiplier les couples et donc des descendances, favorisant la diversité génétique et ainsi permettre à l'espèce humaine une meilleure adaptation aux changements de son environnement.
 
Bien entendu, tous les défenseurs du romantisme et de l'amour pur, qui s'étaient déjà insurgés quand on évoquait l'influence des hormones sur la séduction, montent au créneau, critiquant l'étroitesse d'esprit des scientifiques qui limite l'amour à un phénomène biologique.

Et pourtant, cela dénote à mon sens une incapacité à s’émerveiller devant la nature, vouloir rechercher à toute forme de beauté une explication irrationnelle ou placer les valeurs humaines sur un piédestal. Oui l'amour est une chose magnifique, mais comprendre son origine ne la rend pas sale pour autant. 

De plus, l'infidélité n'est pas pour autant une fatalité. Déjà parce que si notre nature profonde nous pousse à certaines choses, notre conscience qui ne se limite pas au tout génétique peut réussir à aller contre nos pulsions (si on le souhaite, je ne juge personne...). Secundo - là encore ça vient d'une confusion qui oppose la nature et l'évolution à la société humaine - les valeurs de nos sociétés sont des facteurs sélectifs qui interviennent dans l'évolution de notre espèce, qui au contraire de ceux que pensent certains ne s'est pas arrêtée. Ainsi si notre société condamne (moralement ou pénalement) l'adultère et la polygamie (je ne place pas les deux aux mêmes niveaux), les personnes s'adonnant à ces pratiques peuvent être mal vues et ainsi avoir plus de mal à trouver un partenaire. Les facteurs génétiques prédisposant à ce genre de comportement, apportant alors un désavantage à la reproduction, ne se propageraient plus correctement et viendraient à s'éteindre. 

D'autant plus que dans nos sociétés humaines, le principal facteur sélectif est la société elle-même, et non pas les dangers de la nature (voir ses enfants dévorer par des lions n'est pas franchement la préoccupation majeure des parents actuels), une éducation dans un foyer stable peut donc être sur le long terme un facteur sélectionné favorisant la fidélité, ou pas, selon l'évolution de notre société et de la pression qu'elle exerce sur notre population.

[Pensée] La médecine et l'évolution, des ennemis ?

Depuis que l'espèce humaine a développé une capacité importante à penser, créer, et avoir une conscience de soi même, nous pouvons paraitre être l'unique espèce sur Terre a être sortie du cadre évolutif naturel, pour être en quelque sorte maître de notre propre futur. 

Ainsi les autres espèces s'adaptent au changement de l'environnement en sélectionnant des caractères préexistants chez une partie de la population qui se verra favoriser dans sa survie et sa reproduction par rapport aux autres. L'Homme, quant à lui, peut conceptualiser et mettre en œuvre des solutions pour s'adapter, et beaucoup plus rapidement que la plupart des espèces animales (nous ne faisons pas le poids face aux bactéries et aux virus) quand, bien sûr, des intérêts personnels ne viennent pas s'opposer à la survie de notre espèce, mais ceci est un autre débat. Or cette capacité de notre esprit à s'adapter étant un énorme avantage à la survie, elle a bien entendu était elle-même sélectionnée par l'évolution et ne s'y oppose pas, elle n'est pas hors du cadre évolutif.

Mais si l'on se focalise sur le développement de la médecine, si elle n'empêche pas l'évolution de notre espèce, elle l'influence. Ainsi si l'on prend le cas de la myopie qui est un désavantage certain à la survie en milieu hostile, avec l'invention des lunettes, ce n'est plus un facteur sélectif et ce caractère se répand dans la population qui évolue donc. De nombreuses anomalies qui auraient dû être fatales ne le sont plus, déportant les facteurs sélectifs vers d'autres domaines, notamment notre adaptation à notre société. La sélection naturelle s'applique à l'espèce humaine, seuls les facteurs sélectifs changent.

Là où la médecine semble s'opposer à l'évolution, c'est qu'elle semble fragiliser l'espèce humaine en fixant des caractères normalement défavorables. Deux erreurs ici, la première est d'appliquer l'évolution à l’échelle du seul individu porteur d'une anomalie et non à celle de l'espèce, et la seconde plus grave, et d'estimer que l'évolution doit tendre vers une amélioration de l'espèce. Or l'évolution n'a aucune volonté, aucune direction préférentielle et en fonction des variations de l'environnement, une espèce peut évoluer vers sa propre fin. Ainsi si l'Homme venait à disparaitre, ce n'est pas par sa capacité à sortir du cadre de l'évolution et ainsi se fragiliser, mais au contraire parce que l’espèce humaine n'aura pas su s'adapter à son environnement, comme toutes autres espèces avant nous dans la longue et mouvementée histoire de l'évolution.

dimanche 1 mars 2015

[Géologie/Biologie] 6 idées reçues à bannir pour briller en société

 Petit top 6 d'erreurs souvent entendues et qu'il est bon de venir corriger.


 6 -  Les champignons sont des végétaux.

Une erreur fréquente qui nous vient de la cuisine (vous verrez ce n'est pas la seule). Les champignons d'un point de vue culinaire sont souvent associés aux légumes, mais pas d'un point de vue biologique.
Ainsi la phylogénie (qui étudie les ressemblances entre espèces pour établir des parentés entre celles-ci) a établit qu'une partie des champignons appartenant au règne des Fungi (l'essentiel des champignons connus du grand public) font partie du groupe des Opistochontes (partagent ancestralement de la chitine comme macromolécule de structure et un flagelle propulseur en partie postérieur de la cellule) dans lequel on retrouve également les Chaono-organismes comme les animaux. Les champignons ont donc plus à voir avec les animaux qu'avec les végétaux.

Classification simplifiée des êtres vivants.
  
De plus, le terme champignon regroupe d'autres espèces (Oomycètes par exemple) qui ne font pas partie des Fungi et qui se classent à divers endroits de la classification, on dit que le groupe est polyphylétique et n'est donc pas acceptable en phylogénie (étude des parentés entre les espèces).
Il en va de même pour les poissons, les reptiles (il faudrait y inclure les oiseaux), les invertébrés, les végétaux (si on tente d'y inclure les algues)...

5 - La peste est transmise par les rats.

Rat (Rattus norvegicus)

J'adore les rats et je ne peux les laisser accuser de la plus grande épidémie que l'espèce humaine est connue. Lors de la peste noire, épidémie ayant décimé près de 50 % de la population européenne (les données sont moins nombreuses, mais les proportions doivent être similaire en Asie) soit 25 millions de personne entre 1347 et 1351, la maladie était provoquée par une bactérie, Yersinia pestis, capable d'infecter l'espèce humaine et de provoquer des complications très graves (pestes bubonique, pneumonique et septicémique). Ce sont des puces qui peuvent contenir cette bactérie et par morsure la transmettre à l'espèce humaine. Puces vivant sur les rats mais aussi d'autres rongeurs et lagomorphes (lapins).
Autre erreur à propos de la peste, il est bon de savoir que la peste noire n'est pas le nom d'un maladie mais de l'épidémie entre 1347 et 1351, tout comme on a nommé la peste de Justinien entre 541 et 767. Les noms de la maladies sont selon les cas : Peste bubonique, peste septicémique et peste pneumonique.

Photo de Yersinia pestis vu au microscope électronique à balayage (la barre noir correspond à 1 micron).

4 - Le Mont Blanc est le plus haut sommet d'Europe.

Le Mont Elbrouz, stratovolcan au sud de la Russie, dans le Caucase (5642m)
C'est flatteur de placer le toit de l'Europe en France, mais c'est un peu présomptueux. Les hauts sommets étant des structures géologiques (montagnes issues de la convergence entre deux plaques tectoniques ou volcans), il est bon de délimiter l'Europe selon ces critères géologiques et géographiques. L'Europe est donc bordée par des océans (Atlantique et Arctique) et des mers (Méditerranée, Noire...), sur terre, elle est séparée de l'Asie par des chaines de Montagnes témoins de l’existence dans le passé de plaques tectoniques distinctes qui sont entrées en collision. La chaine de l'Oural et celle du Caucase. Et justement dans le Caucase, un volcan, le Mont Elbrouz culmine à 5 642 m, soit près de 800m de plus que le Mont Blanc. Il s'agit donc du plus haut sommet de l'Europe et donc également le plus haut volcan.

Carte géologique de l'Europe, cliquez pour l'agrandir et repérer la position du Mt Elbrouz.



Allons plus loin ! Ces chaines de montagnes étant le témoin du rapprochement passé d'anciennes plaques tectoniques, elles en ont formé une unique, la plaque Eurasienne. Il faudrait donc plutôt parler de continent Eurasiatique et le plus haut sommet serait donc logiquement l'Everest (8 848 m). 

Face Nord de l'Everest by Luca Galuzzi (Lucag)
 3 - La tomate n'est pas un légume mais un fruit.

Une phrase que l'on entend souvent et qui fait son petit effet dans les repas entre amis, mais qui est fausse. Il faut séparer les définitions de fruits et de légumes selon leurs domaines d'utilisations.
En biologie, un fruit est un organe protégeant la graine. Selon cette définition, la tomate est un fruit. Toujours en biologie, un légume est le fruit (sisi) d'une famille de plante appelée légumineuses (les fabacées selon la nouvelle nomenclature).

Fruit (gousse) des fabacées.
En biologie, la tomate n'est donc pas un légume mais un fruit. (je me contredit ?) Mais partant de là, les haricots verts sont des fruits et des légumes, la pomme de terre n'est pas un légume mais un tubercule, la carotte une racine, la salade une feuille... Il n'y a donc pas de raison de sortir la tomate de la définition de légume et d'y laisser tant d'autres éléments tout aussi faux.
 
L'artichaut est une inflorescence (capitule) récoltée avant la floraison

En cuisine, les fruits sont des aliments végétaux, généralement sucrée. De cette définition est donc exclus les fruits biologiques non comestibles (capsule de la tulipe, samare de l'érable, akène de pissenlit...). On y rajoute également des organes qui ne sont pas des fruits d'un point de vue biologique mais qui peuvent en être en partie composée, comme la fraise, qui est un ensemble de fruits (des akènes, les petits points jaunes) insérés dans une chair rouge (un réceptacle floral modifié). Ou la pomme où le fruit biologique se limite au trognon.
En cuisine toujours, les légumes sont des parties comestibles de la plante qui entre dans la composition d'un plat salé. Cela peut être des racines (carotte), des tubercules (pommes de terres), des bulbes (oignons), des tiges (céleri), des fruits (haricots verts)... Ainsi selon cette définition, la tomate est bien un légume. A noter que la cuisine se permet plus de liberté que cette définition ne le laisse entendre. Ainsi des légumes peuvent entrer dans la composition de plat sucrée et les fruit dans des plats salés.
Bref, dans le langage commun, ce n'est pas une erreur de dire que la tomate est un légume et la fraise un fruit, alors n’hésitez pas !

2 - Le pingouin ne vole pas.

Une confusion toute bête qui vient d'un problème d’étymologie.

Bob, un manchot empereur (Aptenodytes forsteri)

Bob est un manchot, qui se dit penguin en anglais. Il ne vole pas et il en est fait référence dans les kinder penguin, la série d'animation Pingu, ou encore le pingouin dans Batman qui donc en réalité un manchot.

Alfred le pingouin (Alca torda)

Alfred, lui est un pingouin (auk en anglais), de la famille des Alcidae (comme le macareux ou le guillemot) et seul représentant vivant du genre Alca, et il vole très bien. La preuve en image.

Pour ne pas se tromper et être compris internationalement, chaque espèce est nommée par un nom de genre et d'espèce (nomenclature binomiale de Linné) : 
Le Pingouin se nomme Alca torda et le Manchot Royal (pour ne citer que lui) Aptenodytes patagonicus.


Pingu est un manchot.
 1 - L'homme descend du singe.

Une double erreur symptomatique de l'incompréhension du grand public vis-à-vis de la théorie de l'évolution.

Vision de l'évolution de l'espèce humaine
Cette phrase sous entend que l'homme, à l'origine un singe, c'est extrait, en évoluant, de ce groupe, pour donner quelque chose de nouveau (pour ne pas dire mieux, plus évolué, ou sommet de l'évolution et autres bêtises...). Non, l'homme fait partie du groupe des primates stricto-sensu et possède donc un certains nombres de caractéristiques propres à ce groupe (le pouce opposable, la présence d'ongle plat et la position des orbites). L'homme est un singe.
Deuxièmement, en observant les images qui découlent de cette erreur, on constate une autre confusion qui ferait des singes actuels nos ancêtres (très proche pour le bonobo, beaucoup plus éloigné pour le Tarsier). Là encore, pas du tout, nous partageons avec ces animaux un ancêtre commun, mais cet ancêtre commun n'est pas plus apparenté avec le Tarsier qu'avec l'Homme.

Classification des primates par H. Le Guyader et G. Lecointre
J'en profite pour corriger une erreur fréquente qui fait du bonobo (Pan paniscus) le plus proche parent de l'espèce humaine au détriment du chimpanzé (Pan troglodytes). Or, ces deux singes font partie du même groupe (le genre Pan) séparé de la ligne humaine vers 4.4 Millions d'années. Ces deux espèces ont donc connu 4.4 millions d'années d'évolution séparée de la branche humaine et sont donc aussi proches parentes de l'homme (Homo sapiens) l'une que l'autre. 

mardi 17 février 2015

[La théorie synthétique de l'évolution] L'évolution de l'oeil

La théorie de l'évolution a radicalement changé notre vision de la biologie. Les espèces n'étaient plus simplement connectées les unes aux autres par leurs interactions dans un milieu, mais avaient une histoire commune, dont on pouvait retrouver trace dans leurs comportements, leur anatomie, leurs gènes. Elle permet une approche globale et synthétique de la biologie.

Je vous invite à cliquer ici pour quelques rappels, si vous maitrisez bien le sujet, vous pouvez continuer.

Prenons le cas des organes complexes et notamment l’œil, qui par méconnaissance totale du sujet est choisi par les quelques détracteurs de la théorie de l'évolution comme contre exemple. Pour qu'une innovation, tel un nouvel organe, soit sélectionnée, il doit apporter un avantage à la survie ou à la reproduction. Or s’il est évident que l’œil apporte un avantage certain et peut être sélectionné, il n'a pas pu se former en  un seul événement évolutif, étant bien trop complexe. Pour se former, il doit donc exister des formes intermédiaires, qui chacune apportent un avantage pour être sélectionnées. Il n'est pas difficile d'en imaginer certaines et de tracer les grandes lignes de son évolution. Et cet exemple est d'autant plus intéressant que l'on retrouve chez des espèces actuelles une grande diversité de forme de l'œil, dont certains peuvent s'approcher de ses fameuses formes intermédiaires.

Penchons-nous sur le cas des mollusques, un embranchement bien connu du règne animal. Sans rentrer dans les détails de la classification, les mollusques sont parmi les animaux les plus éloignés d'un point de vue évolutif des hommes (faisant partie du groupe des protostomiens séparés des deutérostomiens dont nous faisons partie, il y a environ 600 millions d'années). Pourtant l’œil des calmars est assez proche, dans sa structure, de l’œil humain. On parle de convergence évolutive (un même organe a été sélectionné indépendamment plusieurs fois dans l'histoire évolutive, car confronté à des mêmes agents sélectifs), l’œil permettant entre autres d'échapper aux prédateurs, de repérer sa nourriture... Outre cet œil complexe, on retrouve une grande diversité de forme chez les mollusques.

A - La Patelle

La patelle possède une simple accumulation de cellules photoréceptrices, capables de percevoir les variations de lumière, notamment les variations jour/nuit et le passage de la marée qui influencent sa consommation de nourriture.

 
Patelle - Vue ventrale - Les yeux de la patelle sont situés sur les tentacules

B - Pleurotomariacea

Certains gastéropodes de la famille des Pleurotomariacea possède une courbure de la zone contenant les photorécepteurs qui permet  la lumière de ne stimuler qu'une partie des cellules et ainsi de repérer la direction aux variations de luminosité.




Entemnotrochus rumphii, famille des Pleurotomariacea


C - Nautile

Le Nautile possède une zone photoréceptrice encore plus creusée, qui se referme presque vers l'avant, permettant de former une image inversée au fond de la cavité, selon le principe de camera obscura.




 Oeil d'un Nautile

 D - Murex

Le murex, gastéropode de la famille des muricidae, possède un œil complètement fermé par des cellules transparentes (cornée) qui isolent en son sein une lentille, permettant de focaliser la lumière et aboutir à une image plus précise.



 Murex se déplaçant sur le fond marin à l'aide de son pied

 E - Calmar

Comme déjà évoqué, l’œil du calmar se rapproche de celui de l'homme, avec l’apparition de l'iris capable de contrôler l'ouverture de l’œil et s'adapter aux variations de la luminosité.



L’œil complexe du Calmar



Résumé des différentes formes de l’œil chez les mollusques


De plus, ce modèle explique parfaitement l'imperfection de l’œil humain. Si cet œil avait été conçu en une fois, dans un but défini, pourquoi les axones des cellules photoréceptrices passeraient devant celles-ci avant de se réunir au niveau du nerf optique, provoquant la tache aveugle ? Par contre, dans un modèle où la formation de ses connexions ont été obtenus par "hasard" et sélectionné, car étant avantageux à un moment de l'histoire de notre espèce, mais sans dessein du devenir futur de l’œil, cette imperfection devient compréhensible.


Comparaison de l’œil humain avec celui d'une pieuvre

Le seul inconvénient de cet exemple, c'est qu'il pourrait laisser imaginer une certaine hiérarchisation de ses êtres vivants.  La patelle n'est pas moins évoluée que la pieuvre, elle est encore moins son ancêtre. Son œil n'a pas connu la même évolution, car non soumis à la même sélection naturelle.

Ainsi, la formation d'un organe aussi complexe que l’œil s'explique parfaitement par une évolution progressive contingente des conditions du milieu. Nilsson et Pelger ont tenté de modéliser le nombre de générations nécessaire à la formation de l’œil des vertébrés et l'ont établi dans leur prédiction pessimiste à 400 000 générations, résultat parfaitement compatible avec les 550 millions d'années d'évolution qu'à connu l’œil depuis sa forme primitive.


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Sources :
Cours Adaptation, M1, Emmanuelle Baudry 2010
Classification phylogénétique du vivant, G.Lecointre, H Le Guyader, 3ème édition
http://www.rpgroup.caltech.edu/courses/aph161/Handouts/Nilsson1994.pdf